Avec Ilotopia, les « sans voix » prennent la parole

Face à la structure d’accueil « La Halte de nuit »

Ce quartier, à forte tradition sociale, rassemble un grand nombre de personnes en situation d’exclusion et de précarité.

Les équipes d’Ilotopia sont partis à leur rencontre au cœur des lieux qui leur sont dédiés : à la Halte de nuit pour discuter autour d’un café, au Restaurant social Pierre-Landais à l’heure du déjeuner et aux Ateliers ALISÉ. Notre objectif : recueillir une parole de rue.

 

 DÉCOUVREZ CETTE ESCALE EN IMAGES (Flick’r)

 

ALISÉ est un atelier de dynamisation qui s’adresse à des bénéficiaires du RSA éloignés de l’emploi compte tenu de leurs problèmes personnels, relationnels et de leur distance du monde du travail. L’Atelier ALISÉ est d’abord un lieu de travail, ou l’on répare des vélos et trottinettes à destination des écoles : « ici, je répare des vélos mais on répare aussi des gueules cassées comme moi. Quand je suis arrivé ici, j’étais comme cette roue… Totalement à plat ! L’atelier m’apporte un nouveau souffle ». La mécanique du cycle est une belle métaphore pour expliquer le projet de cette structure : « Ici, à l’image du vélo, on essaye de redonner un ‘cadre’, nous dit Cécile, responsable de l’Atelier . On est une roue de secours pour les personnes accidentées de la vie ».

Face à notre drôle d’avion, les imaginaires et les paroles se libèrent : « Le voyage ne se confond pas avec l’errance des SDF. Toi, tu as un but à atteindre avec ton avion. C’est ce qui te donne l’énergie de te mettre en mouvement, en action. Quand tu tombes à la rue, tu te cognes ! L’errance dans la rue est sans issue ». Un autre : « La Nature, dans l’Oural (destination de l’avion), est hostile. Mais la Nature est aussi généreuse ! C’est elle qui va t’apporter la flotte et les légumes. Dans la rue, c’est chacun pour soi alors que la rue devrait être le lieu de l’entraide ! ». Une question surgie : comment aménager les espaces publics pour permettre aux populations fragiles d’y trouver refuge et les ressources pour s’en sortir ? Vaste débat. Nous avons promis de revenir…

 

Ateliers ALISÉ

 

La Halte de nuit accueille chaque soir ceux qui n’ont nulle part où aller. « Après le 115, c’est ici que tu finis ! » Le lieu st un « refuge urbain ». Il propose aux résidents de passage de se poser et de recharger ses batteries avant de retourner affronter la rue. Autour d’un café avant l’ouverture du lieu en début de soirée, l’avion sans ailes nous sert de comptoir urbain pour engager la conversation.  Cette population nous parle aussi de voyage et s’invente un « ailleurs » pour échapper à la violence de la rue. Certain revendique une culture chamanique, à l’image de ces peuples des Steppes qui cherchent aussi de nouveaux repères pour s’orienter.

Une femme évoque spontanément le projet des « 5 ponts », ce bâtiment qui s’installera à proximité du nouvel hôpital et qui regroupera des services à destinations des publics précarisés : un pont vers l’accès aux soins, un point contre la pauvreté, un pont vers l’inclusion sociale, un pont avec la société civile, un pont vers l’accès au logement. L’idée est généreuse mais elle souhaite nous mettre en garde : « on est en train de créer un pôle de galériens. L’assistance aux personnes, elle doit être sur tout le territoire et pas juste sur un pôle ».

Autre sujet… Les conflits d’usage inhérent à la présence de la Halte de nuit qui peut générer des nuisances : « Nous avons rencontré les habitants car la Halte génère du bruit, des nuisances sonores et crée un climat de tension.  Merci de votre présence car cela contribue créer un bon climat. «  Dans ce quartier à forte valeur sociale, une question surgie : Comment aménager les espaces publics pour apporter assistance aux plus fragiles et apaiser l’atmosphère pour éviter les conflits d’usage ?

 

Le Restaurant social Pierre-Landais, situé de l’autre côté du boulevard Victor Hugo, accueille chaque jour des personnes en situation de précarité pour un déjeuner. Le maître des lieux, c’est André, une figure emblématique du quartier. Sa passion : les motos… et les avions. Ici, les résidents sont appelés « les passagers ». « Comme ton avion, on vient y faire escale ». Nous posons donc notre avion sans ailes au milieu de la salle de restaurant. L’atterrissage se fait en douceur, avant l’ouverture des portes du self.  Quelques personnes viennent spontanément à notre rencontre, intriguées par ce drôle d’engin. Les discussions se portent sur la dérive et sur l’errance dans l’espace public. Pour nos complices, la ville n’est pas source d’évasion. Elle est « trop rectiligne, trop technique, trop rationnel », et n’offre pas beaucoup d’espace de repli, « pour se protéger des regards ». Bernard – dit l’ancien – nous invite à sa table. La discussion s’engage… sur un son projet de maison de retraite pour femmes isolées vivant dans la rue. « Ce projet m’aide à m’en sortir car il me donne un but, un sens à ma vie. » La confiance s’installe… Nous l’interrogeons sur l’espace public. « Le plus important, nous dit-il, c’est « de mettre des toilettes accessibles pour les SDF (…) On construit des locales pour protéger les vélos, pour ranger les poubelles… Peut-être qu’il serait temps de se poser la question des toilettes publiques ? ». Vaste sujet qui pose la question de la propreté, de la dignité humaine mais aussi de l’ancrage des pratiques déviantes.

À travers ces rencontres, de nombreux liens se sont noués. Avec certains désireux de s’engager dans la démarche. Avec d’autres, porteurs de projets à destination des SDF. Une chose est sûre : le quartier devra composer avec ces « passagers » qui, par leur présence, évite une forme de gentrification. Et si ces « passagers » était les anges gardiens du Faubourg ? Cette question, n’en doutons pas, fait déjà débat !

 

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